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Véronique Micléa : vie diplomatique et cultures

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Nous étions déjà venues dans cette résidence mais cette fois-ci, nous avons tourné en rond pour la trouver car nous ne la reconnaissions pas tant elle avait changé. Son jardin est soigné, plus aéré, la maison est lumineuse et légère malgré son âge et sa grandeur imposante. Un visage souriant nous attend, c’est le chef Alberto Lara, et là, nous sommes convaincues, nous sommes bien arrivées à la résidence du Pérou à Wassenaar.

Rencontrer Véronique Micléa pour une entrevue est un projet depuis la première fois que nous l’avons vue. Elle intrigue avec ses couleurs flamboyantes, ses longs cheveux châtains, son sourire et sa discrétion. Nous pensons à une artiste mais dans quel domaine? Une peintre, une dramaturge, une écrivaine?

« Quand je suis arrivée aux Pays Bas avec mon mari, je me suis rappelé les voyages de mon enfance quand mon père nous emmenait visiter ce pays si riche artistiquement. Mon père médecin et amateur d’art m’entraînait souvent dans les musées. Un de mes souvenirs marquants est la visite du Mauritshuis. Je me souviens d’avoir monté les marches de cette très belle maison et d’avoir été impressionnée de voir, qu’en fait, c’était un musée avec une atmosphère intime. Puis une grande émotion devant l’autoportrait de Rembrandt jeune homme. Maintenant, je peux comprendre ce qui m’avait frappée: une attitude conquérante et une sensibilité qui affleure sur ce visage lumineux.

Actuellement, je vis à La Haye et j’apprécie énormément les musées de ce pays ; ayant visité de nombreux musées dans le monde, j’aimerais dire que je suis impressionnée par la modernisation et l’extension des musées hollandais, avec une esthétique très contemporaine qui rehausse la beauté du bâtiment et des collections comme on peut le voir au Mauritshuis, au musée Van Gogh, au Stedelijk, au musée Frans Hals à Harlem entre autres.

Une activité qui me tient à cœur est de faire connaître et de diffuser l’art contemporain péruvien. En effet le Pérou, depuis les temps reculés, est une terre de nombreuses cultures très variées. J’aimerais rappeler à ce propos qu’en Europe on a tendance à connaître plutôt la culture Inca, celle que les espagnols ont rencontrée, quand ils sont arrivés, mais il y a de nombreuses cultures pré-incaïques, par exemple, Chavin avec des sculptures impressionnantes, Mochicas avec des poteries réalistes, Paracas avec des tissus polychromes aux riches dessins inventifs, Nazca avec les fameuses lignes tracées dans le désert, Chimu avec des objets raffinés en or et la cité de Chan Chan.

Je pense qu’il est aussi intéressant de faire connaître les artistes contemporains et de créer des liens avec les Pays-Bas. Avec mon mari quand nous avons vu le jardin de la résidence, nous avons pensé y installer des sculptures contemporaines, d’autant plus qu’il y a déjà une culture du « jardin de sculptures » dans ce pays avec des réalisations merveilleuses et originales comme le Kröller-Müller ou la collection Caldic, Garden Clingenbosh. Evidemment notre projet est plus modeste pour plusieurs raisons mais il s’inscrit dans le désir de mettre en valeur des sculptures dans une nature baignée par la belle lumière du nord ainsi que de créer des ponts culturels entre le Pérou et les Pays-Bas. Nous avons déjà installé dans notre jardin, deux sculptures de Lika Mutal, artiste néerlandaise qui habite à Lima. »

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Véronique Micléa

Une manifestation prestigieuse de l’art et de la culture ancestrale du Pérou est sa gastronomie ; maintenant classée parmi les plus célèbres du monde, elle a tout de suite impressionné Véronique Micléa dès son arrivée en 1986, époque où la cuisine péruvienne était complètement méconnue en Europe.

« Je me souviens encore des deux premiers plats que j’ai dégustés quand je suis arrivée à Lima, le ceviche de lenguado, une sorte de grande sole, poisson cru mariné au citron vert, avec piment et oignon ; la parihuela, une soupe dense de fruits de mer très variés et de poissons, avec des herbes aromatiques comme la coriandre, le persil, et les piments panca et amarillo. Des plats baroques, aux mélanges exubérants tout en étant harmonieux quant aux saveurs. Ce fut le début d’une découverte à chaque fois riche, étonnante et enthousiasmante qui continue aujourd’hui. En équipe avec notre chef Alberto Lara, diplômé du Cordon Bleu de Lima, qui a une connaissance approfondie de la culture culinaire du Pérou, nous avons déjà commencé à faire découvrir cette merveilleuse cuisine aux Pays-Bas. Par exemple, la participation du Pérou au premier Festival Gastronomique Diplomatique en mai 2016.

C’est une joie de pouvoir collaborer à la diffusion de cette riche gastronomie en dehors de ses frontières ; il y a même deux livres de cuisine péruvienne traduits en néerlandais : Ceviche de Martin Morales et Peru de Gaston Acurio. »

Véronique Micléa est une spécialiste diplômée de la langue française. Elle a exercé sa profession de linguiste et professeure de français à Paris, Lima, Quito, Washington, en accompagnant son mari diplomate péruvien, tout en élevant sa fille Morgana. Véronique a aussi publié de la poésie, traduit des livres et collaboré avec des artistes contemporains à travers ses textes.

Véronique Micléa

Elle partage la vie de son mari, l’ambassadeur du Pérou aux Pays-Bas, depuis qu’il est troisième secrétaire, et a su adapter sa carrière et l’éducation de sa fille aux nombreux déménagements.

« En tant que femme de diplomate, mère et professeure, je me suis toujours préoccupée du développement des enfants dans ce contexte particulier d’expatriation.

Un des préjugés que j’aimerais combattre sur la vie des diplomates est lié à une phrase que j’ai entendue à propos des enfants : « ah ces enfants qui n’ont pas de racines et ont une vie instable…»

Je me suis aperçue que dans cette vie à l’étranger, nous portons nos racines dans « la tête », que nous ne perdons pas notre culture à commencer par notre langue maternelle et que nous nous enrichissons perpétuellement au contact d’autres cultures. Nous développons la capacité de nous adapter plus facilement aux changements et nous accumulons des éléments d’autres cultures sans modifier la nôtre. Cela correspond bien au concept  des « Enfants de la Troisième Culture » (Third Culture Kids) présenté par une psychologue que j’ai rencontrée lors d’une conférence au Lycée Français de Washington. C’est ce que j’ai observé chez les enfants de diplomates, une capacité particulière d’analyser ou simplement de sentir leur nouvel environnement et de s’y adapter rapidement en créant une culture propre à eux, à savoir, sans renier la leur, absorber celle du pays où ils vivent.

De plus pour certains, comme ma fille, qui ont une double culture venant de leurs parents, cela rend la situation complexe mais encore plus riche. Ce ne sont pas des enfants divisés comme certaines expressions tendraient à le faire croire : «  Cette personne est à moitié française et à moitié péruvienne ». En effet ce n’est pas exact et, comme le dit l’écrivain franco-libanais Amin Maalouf, ces identités multiples s’ajoutent. Je dis donc par exemple que ma fille est péruvienne ET française.

Au Pérou, c’est un concept approprié, justement dû aux multiples cultures qui au cours du temps se sont rencontrées et mélangées dans son territoire avec celles des populations autochtones : espagnole, arabe, africaine, chinoise, japonaise, italienne et autres.

D’ailleurs la notion de métissage prend toute son importance, si l’on considère la gastronomie péruvienne qui tire sa richesse, précisément, du mélange des cultures d’une part et d’autre part de la diversité géographique qui engendre une très grande variété de produits. »

La traduction d’un nouveau livre, la publication régulière de poésies dans une revue française, le projet de la création du jardin de sculpture de la résidence et la diffusion de la gastronomie péruvienne sont des activités qui s’ajoutent à son engagement principal, accompagner avec une complicité hors de l’ordinaire, son mari, l’ambassadeur du Pérou aux Pays-Bas.

Photos par Kim Vermaat.

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