Par S. Exc. Ambassadeur William Roelants de Stappers, Représentant permanent auprès des institutions internationales à La Haye.
La Belgique fait partie des quelques pays qui disposent à La Haye de deux ambassadeurs : tandis que mon collègue l’Ambassadeur Dirk Achten est accrédité exclusivement auprès des autorités néerlandaises, je représente la Belgique auprès des diverses institutions internationales établies à La Haye.
Cette configuration particulière se justifie non seulement par l’importance de notre ambassade bilatérale auprès de notre grand voisin du nord, qui requiert que notre ambassadeur auprès des Pays-Bas puisse y consacrer tout son temps et toute son énergie, mais tout autant par l’attention prioritaire que nous accordons à la diplomatie multilatérale et le soutien que nous apportons à nos amis néerlandais dans le développement de La Haye comme capitale mondiale de la justice et de la paix. Le fait d’avoir ici une représentation spécialement dédiée à ces questions illustre de manière forte à quel point le multilatéralisme est puissamment ancré dans l’ADN belge.
Mon mandat me conduit à m’impliquer dans les activités de quelque quinze institutions, allant de la Cour pénale internationale à l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques, en passant par la Cour internationale de Justice, les différentes juridictions pénales ad hoc et mécanismes résiduels, la Conférence de La Haye de droit international privé, et d’autres encore.
J’illustrerai plus particulièrement l’action et les priorités de la Belgique par rapport à trois d’entre elles.
Nul besoin d’expliquer aux lecteurs de Diplomat Magazine l’importance de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), chargée de la mise en œuvre de la Convention du même nom. Celle-ci institue un système unique de vérification et de contrôle de la destruction des arsenaux et unités de production d’armes chimiques, réellement opérationnel et efficace.
Certaines évolutions internationales récentes ont projeté sur l’organisation une plus grande attention médiatique. Elles ont aussi donné lieu à des débats parfois difficiles entre les pays membres sur l’action à mener par l’organisation. En dépit de ces difficultés, il est nécessaire que l’OIAC puisse continuer à remplir son mandat essentiel. La Belgique apporte un soutien fort à cette organisation, tant diplomatique que financier, pour des raisons tenant notamment à l’utilisation d’armes chimiques sur le territoire belge pendant la Première guerre mondiale, qui a marqué notre mémoire collective. Le Ministère belge de la Défense dispose d’une expertise reconnue dans la destruction d’armes et de munitions chimiques. Il faut en effet savoir qu’on en découvre encore des dizaines de tonnes par an dans les campagnes, parfois encore très toxiques.
La Cour pénale internationale (CPI) est une institution qui nous tient aussi particulièrement à cœur. La Belgique a de tous temps été parmi les pionniers dans le combat pour l’émergence d’une justice internationale pour sanctionner les auteurs des crimes internationaux les plus graves. Aujourd’hui encore, nous sommes très actifs dans ce domaine, qu’il s’agisse de la coopération judiciaire (opérationnelle) avec la CPI – et les autres tribunaux internationaux – ou de notre activité au niveau diplomatique pour soutenir ces juridictions et les aider à remplir leur mission essentielle.
Au niveau de la coopération judiciaire, la Belgique dispose d’une autorité centrale de coopération qui traite de nombreuses demandes. La Belgique a conclu plusieurs accords bilatéraux avec la Cour, par exemple sur l’exécution des peines et la réinstallation de témoins protégés. Sur le plan diplomatique, nous nous activons notamment afin que la Cour soit dotée d’un budget adéquat lui permettant de réaliser sa mission fondamentale, mais aussi pour qu’elle s’adapte et s’améliore là où c’est possible.
Enfin, la Belgique suit bien entendu de près les activités de la Cour internationale de Justice (CIJ), l’organe judiciaire principal des Nations Unies. La Belgique n’a pas d’affaire pendante devant la Cour actuellement, mais il y en a eu dans le passé, qui ont d’ailleurs produit une jurisprudence intéressante. Et les développements actuels devant la Cour sont remarquables, comme l’indique par ailleurs M. Couvreur, mon éminent compatriote et ancien greffier de la Cour.
La Belgique a une grande tradition de juristes internationalistes, dont beaucoup ont été actifs à La Haye à différentes époques. Ainsi le Baron Descamps, qui présida le Comité de juristes institué en 1920 par la Société des Nations pour créer ce qui allait devenir la Cour permanente de Justice internationale, l’ancêtre de l’actuelle CIJ. Il porte notamment la paternité de l’article 38 du Statut de la Cour qui est considéré, encore aujourd’hui, comme la codification des sources du droit international public (traité, coutume, principes généraux du droit).
De façon plus anecdotique, j’ai découvert que mon arrière-grand père, qui était professeur de droit commercial et de droit international privé à l’Université de Liège, a donné un cours ici à l’Académie de droit international en 1928 !
C’est inspiré par ces illustres prédécesseurs que j’entame, à un niveau infiniment plus modeste, ma fonction de représentant de la Belgique auprès des institutions internationales à La Haye.