En 2017, le Sénégal a offert l’œuvre emblématique Paix par la Justice de Khalidou Kassé à la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye. Ce tableau magistral a subi quelques égratignures au fil des années. Diplomat Magazine a rencontré l’artiste alors qu’il restaurait son œuvre avant son retour au Sénégal. Lors de cette visite, Son Excellence Mme Ramatoulaye Ba Epse Faye, Ambassadrice de la République du Sénégal aux Pays-Bas, nous a également honorés de sa présence.
Diplomat Magazine (DM) – La restauration de cette œuvre ici, à La Haye, souligne son importance. Quels sentiments ou réflexions cela vous inspire-t-il de travailler à nouveau sur cette pièce emblématique dans le contexte de la Cour pénale internationale ? Est-ce différent de l’époque où vous l’aviez créée au Sénégal ?
Khalidou Kassé – Oui, il faut dire que c’est différent. C’est différent parce que j’ai eu un recul, de 2017 à aujourd’hui, pour réexaminer l’œuvre. En la revoyant, je l’ai réétudiée, et j’ai réalisé que, dans ce tableau, j’avais atteint ce que je cherchais. Une œuvre d’art, dit-on, n’est jamais vraiment achevée, car chaque fois que l’artiste la contemple, il ressent l’envie d’y ajouter quelque chose.
Mais en revoyant ce tableau, j’ai constaté qu’il était complet. En 2017, je ne pensais pas revenir pour le restaurer. Pourtant, chaque détail, chaque coup de pinceau m’a rappelé le processus créatif qui m’a conduit à l’offrir à la CPI.
DM – C’est comme retrouver un enfant qui a grandi.
Kassé – Absolument, un enfant qui a grandi tout en conservant ses qualités et sa finesse. Cette restauration m’a aussi permis de raviver le message que j’avais voulu transmettre à travers cette œuvre. Paix par la Justice est une grande œuvre, et je suis profondément honoré qu’elle soit ici, à la Cour pénale internationale.
Je tiens à exprimer ma gratitude à Son Excellence Mme l’Ambassadrice Ramatoulaye Ba Epse Faye, qui n’a ménagé aucun effort pour faciliter ma venue. Elle a coordonné les échanges entre le ministère sénégalais de la Culture et celui des Affaires étrangères, permettant ainsi la restauration de cette œuvre.
En ce qui concerne le tableau, il véhicule un message clair : la paix par la justice. L’œuvre porte un message de paix, d’amour et d’espoir. La véritable mission de l’art est de tisser des liens et de résoudre les conflits.
DM – Pouvez-vous nous parler des éléments symboliques présents dans l’œuvre ?
Kassé – Bien sûr. Cette œuvre s’inspire notamment de la Charte de Kurukan Fuga, considérée comme l’une des premières constitutions au monde. À travers ce tableau, j’ai voulu rappeler que les droits de l’homme transcendent les différences.
On y voit deux mains tendues – une noire et une blanche – symbolisant l’unité nécessaire pour sauver l’humanité, un monde en plein tumulte. Les couleurs vives évoquent les migrations, sans distinction de race ni d’origine.
Le tableau est également illuminé par un soleil, symbole d’espoir, qui éclaire notre chemin collectif à travers trois lumières : celle du cœur, de l’esprit et de l’action. Enfin, la colombe de la paix écrit, de sa plume, sur les pages de la conscience collective un message universel.
DM – Votre carrière de militant et vos collaborations avec des organisations internationales témoignent de votre passion pour des causes mondiales. Comment ces expériences ont-elles façonné votre vision de l’art comme outil de changement et de dialogue global ?
Kassé – L’art est pour moi un outil puissant pour défendre les causes sociales. Mon engagement remonte à ma jeunesse, où j’ai été confronté à des injustices dans ma propre famille. Depuis, j’ai œuvré pour les enfants démunis et les jeunes, que ce soit aux États-Unis, au Sénégal ou ailleurs.
J’ai également collaboré avec des figures telles que la Princesse Lalla Meryem au Maroc et des institutions qui utilisent l’art pour sensibiliser et mobiliser. Aujourd’hui, je continue de croire que l’art a le pouvoir de transformer les cœurs et les esprits.
DM – Votre Excellence, comment percevez-vous le rôle de l’art contemporain dans la promotion de la paix et de la justice à l’échelle mondiale ?
Ambassadrice Ramatoulaye Ba Epse Faye – L’art contemporain est un langage universel. Il accompagne les peuples dans leur quête de paix et de sérénité. À travers cette œuvre, Khalidou Kassé illustre parfaitement ce rôle, en rappelant que la justice et la paix sont essentielles dans les relations internationales.
Lorsque nous avons été informés des besoins de restauration, l’ambassade du Sénégal a immédiatement pris les dispositions nécessaires. Je tiens à remercier le ministère de la Culture et le ministère des Affaires étrangères du Sénégal, qui ont facilité le déplacement de M. Kassé pour qu’il puisse accomplir ce travail.
Ce tableau est un symbole fort, admiré par mes collègues ambassadeurs et tous les diplomates qui fréquentent les locaux de la CPI. Il incarne des valeurs fondamentales : la paix, la justice, la solidarité et le vivre-ensemble.
DM – Un dernier mot pour conclure cette entrevue ?
Kassé – Je tiens à remercier Son Excellence Mme l’Ambassadrice pour son soutien indéfectible et l’équipe de l’ambassade pour leur accueil chaleureux. Restaurer Paix par la Justice a été un honneur et une occasion de raviver son message universel. Merci à tous ceux qui ont rendu cela possible.