Par Jean-Marc Thouvenin, Secrétaire général de l’Académie de droit international de La Haye, Membre associé de l’Institut de Droit International.
Dans le cadre de mes fonctions de Secrétaire général de l’Académie de droit international de La Haye, j’ai la chance de rencontrer de nombreux ambassadeurs et ambassadrices. Je saisis l’occasion qui m’est offerte par Diplomat Magazine pour mettre par écrit, et en français, ce que j’aime à leur dire de l’Académie.
Par nature, l’activité diplomatique est d’une grande richesse. À La Haye, ce qui la caractérise est la prégnance d’un de ses plus beaux fruits, à la fois fragile et fondamental, le droit international. Fruit de la diplomatie d’hier, pleine de la sagesse des hommes et femmes qui, après avoir connu la guerre, nous ont légué de formidables institutions fondées sur des règles et principes de droit. De la diplomatie d’aujourd’hui, gonflée de l’impérieuse ambition de régler au mieux les défis du monde contemporain, et qui travaille sans relâche à poser les principes et textes de droit qui y contribuent. Les étudiants de l’Académie savent bien la noblesse comme la difficulté de cette tâche, puisque les ambassadeurs et ambassadrices en poste à La Haye acceptent, et l’Académie leur en est vivement reconnaissante, de leur ouvrir généreusement les portes de leurs ambassades afin de les rencontrer et de leur expliquer leur quotidien.
Le Palais de la Paix constitue le centre de gravité du droit international. Il symbolise son histoire, les espoirs que l’on place en lui, et s’offre comme le siège de son application comme de son adaptation aux nouveaux enjeux. En son sein, deux cours internationales règlent les différends internationaux en appliquant le droit international. Quant à l’Académie qui y a également son siège, elle est le lieu par excellence où, depuis presqu’un siècle, le droit international se discute, se théorise, s’enseigne, et s’apprend.
Inaugurée en juillet 1923 sous les auspices du Gouvernement néerlandais et en présence des représentants des États, de la Société des Nations, des grandes institutions internationales, du monde universitaire et judiciaire, ainsi que de la presse de tous les pays, l’Académie n’a cessé depuis lors d’œuvrer à l’enseignement, à l’étude, à la diffusion et à une compréhension plus large du droit international sous tous ses aspects, aussi bien public que privé.
C’est ce qui explique l’engouement des juristes et diplomates du monde entier pour ses sessions de cours. Tant et si bien que l’Académie a développé de nouveaux programmes : des cours d’hiver s’ajoutant désormais aux cours d’été ; des cours spéciaux à la demande des États désireux d’offrir à leurs juges ou autres talents une mise à jour sur un aspect du droit international ; un cours spécial réservé aux diplomates sur le règlement judiciaire des différends.
Héritage du temps passé, l’Académie est pleinement « dans son temps » – face à la pandémie, elle donnera ses cours de l’hiver 2021 en ligne. Elle est toujours unique en son genre, en particulier parce que son œuvre est étroitement liée à celle de la diplomatie. Au demeurant, de nombreux ambassadeurs et ambassadrices ont donné des conférences à l’Académie. Son objectif est encore à ce jour, comme l’affirmait son Curatorium dans le Bulletin de 1923, de « créer et entretenir une bienfaisante influence », en mettant en contact « dans un commerce scientifique quotidien, les représentants des diverses écoles nationales [afin qu’ils parviennent] à mieux comprendre les raisons des divergences doctrinales et pratiques des autres pays. Leurs points de vue particularistes finiront par faire place à une conception commune, internationale. En même temps, il s’établira entre eux des rapports personnels, qui développeront des sentiments réciproques d’estime et d’amitié. …. Ils contribueront à la formation d’une mentalité internationale qui, correspondant à l’interdépendance économique des peuples, sera la véritable garantie de la paix ».
Le Curatorium des premiers temps pouvait « compte[r] sur le bienveillant appui des Gouvernements ». C’est encore le cas de nos jours, et les diplomates de La Haye en sont vivement remerciés. Puisque nous avons encore tant à faire, on pourrait songer qu’il serait pertinent d’amplifier ce soutien, encore plus crucial aujourd’hui qu’hier, comme l’Assemblée générale des Nations Unies y invite chaque année les États (A/RES/74/185 du 18 décembre 2019, par. 24).
La photographe est Marieke Wijntjes.