Sunday, December 22, 2024

Le docteur Stoffel

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DIPLOMAT MAGAZINE “For diplomats, by diplomats” Reaching out the world from the European Union First diplomatic publication based in The Netherlands. Founded by members of the diplomatic corps on June 19th, 2013. "Diplomat Magazine is inspiring diplomats, civil servants and academics to contribute to a free flow of ideas through an extremely rich diplomatic life, full of exclusive events and cultural exchanges, as well as by exposing profound ideas and political debates in our printed and online editions." Dr. Mayelinne De Lara, Publisher

Par Alexaner Khodakov

Le docteur Stoffel, originaire du Luxembourg et consul honoraire de son pays, nous sauve régulièrement de toutes sortes de maladies tropicales. Il s’y connaissait parfaitement.

Un homme très élégant, il paraissait plus âgé qu’il n’était, quand on passe toute sa vie sous les tropiques, on vieillit plus vite. En sa qualité de consul, il était souvent invité aux réceptions diplomatiques. Il y venait en cravate-papillon au nœud bouffant, à la mode des années trente. Le docteur était marié avec une Congolaise et avait quatre ou cinq enfants. Je crois que c’était un couple heureux.

Une fois, j’ai diné chez lui. Les enfants se conduisaient comme des anges, l’atmosphère était très bourgeoise…jusqu’à ce que la femme du docteur ne commence à rire. Elle produisait des sons indescriptibles, cela me rappelait les hurlements d’une hyène. Le docteur restait imperturbable. L’habitude, sans doute. Par ailleurs, sa femme était un vrai cordon-bleu, le poisson était délicieux.

Le docteur avait un grand avantage, qui était une conséquence de son principal handicap. Le dimanche, tous les médecins s’en allaient, à la plage, à la campagne, voir les amis, impossible de trouver un docteur pour une urgence. Monsieur Stoffel était toujours là, chez lui, au-dessus de la clinique. Parce qu’il était saoul, et s’il ne l’était pas encore, il était en train de se saouler. Tout le monde le savait. Le docteur recevait les patients dans la matinée, dans l’après-midi il passait la barre à son assistant et commençait à boire du whisky. Pourtant, on pouvait compter sur lui en cas d’urgence. Je l’ai vu se dessaouler en une minute, quand je lui ai amené une patiente qui avait déjà perdu connaissance. En descendant l’escalier, il était encore ivre. Puis, cela se passe comme dans les dessins animés, la couleur rouge quitte son visage, comme une marée, de haut en bas. En une minute sa voix devient ferme, les mouvements précis, il donne des instructions aux infirmières, me chasse dehors… et sauve la vie de la dame en question.

Son opinion sur l’alcool était par conséquent différente par rapport aux approches traditionnelles des médecins. Un jour je viens le voir, croyant avoir une bronchite. Sans faire de longues réflexions, il me fait une radio du thorax et se met à étudier les photos. Soudainement : « Je n’aime pas votre foie. Buvez-vous beaucoup, cher collègue ?

  • Eh…comme tout le monde. – Je suis pris au dépourvu.
  • Qu’est-ce que vous buvez comme apéritif ?
  • Un verre de martini.
  • Un verre?!
  • Docteur! Avec du tonic! – Je montre qu’il y a pour deux doigts de martini, le reste étant du tonic. – Et puis, j’ai eu le palu, c’est pour ça, que le foie a augmenté.
  • La vodka, vous en buvez?
  • Oui, mais pas tous les jours.
  • Bon, continuez.
  • Docteur, et la bronchite?
  • Oui, la bronchite…Tenez la prescription, deux capsules par jour, ça devrait passer dans une semaine .»

Qu’est-ce que je lui suis reconnaissant, il a tant fait pour nous tous.

Information sur l’auteur:

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Alexander Khodakov

Né à Moscou en 1952, Alexander Khodakov fait ses études de droit  à  l’Institut de relations internationales de Moscou (MGIMO). Après trois ans à MGIMO, il fait un an d’études à l’université d’Alger. En 1974 il est recruté par le Ministère des affaires étrangères de l’URSS et part en poste au Gabon. Rentré à Moscou, il intègre le département juridique du Ministère. De 1985 à  1991 il travaille  à New York au sein de la mission permanente de l’URSS auprès des Nations unies. De retour à Moscou en 1991 il revient au département juridique, dont il devient directeur en 1994. Quatre ans plus tard il est nommé ambassadeur de Russie aux Pays-Bas et représentant permanent auprès de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC). En 2004 il passe au service de l’OIAC comme directeur des projets spéciaux et ensuite secrétaire des organes directifs. En 2011 il rejoint le greffe de la Cour pénale internationale et exerce pendant trois ans comme conseiller spécial pour les relations extérieures.

Depuis 2015 il vit  à La Haye, avec sa famille. Il a écrit Cuisine Diplomatique un vibrant récit des histoires inédites sur sa vie diplomatique.

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