Thursday, December 5, 2024

Parcours d’un juriste-diplomate

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Par S.E. M. François Alabrune, Ambassadeur auprès du Royaume des Pays-Bas et Représentant permanent auprès de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques et des Institutions juridiques internationales à La Haye.

À l’origine de ma vocation et de mon ouverture au monde, mes parents ont beaucoup compté. Mon père, originaire du centre de la France, le premier de sa famille à faire des études supérieures, est parti jeune en Argentine, pour faire du commerce. Il est ensuite devenu diplomate et a servi en Inde, en Australie, aux États-Unis, en Haïti, en Belgique et au Canada. Ma mère, originaire du Nord de la France, a aussi travaillé pour le ministère des affaires étrangères français en Belgique et au Royaume-Uni, avant d’épouser mon père. C’est ainsi que je suis né au Canada, à Halifax.

Au cours de mes études de droit et de sciences politiques, j’ai eu notamment la chance de suivre les cours de deux grands juristes: Gilbert Guillaume et Ronny Abraham, qui ont été jurisconsultes du ministère des affaires étrangères puis juges la Cour internationale de Justice. J’ai eu ensuite la chance de travailler avec eux, notamment lorsque je devins adjoint auprès de Ronny Abraham. Dans les activités consultatives en droit international que j’ai menées pendant 20 ans, en particulier en tant que jurisconsulte du ministère pendant huit ans, leur approche du droit international, basée sur une analyse rigoureuse des faits et du droit, et la recherche de la clarté, m’a beaucoup marqué. J’ai été aussi influencé par ma collaboration avec d’autres grands juristes, tels que les professeurs Prosper Weil ou Alain Pellet.

J’ai beaucoup appris également grâce aux interactions constantes avec mes collègues jurisconsultes d’autres pays ainsi qu’à l’occasion de mes affectations à la Représentation auprès de l’Union européenne à Bruxelles, à la Mission auprès des Nations Unies à New York, comme Conseiller juridique, puis comme Consul général à Québec, Ambassadeur auprès de l’OSCE à Vienne puis Ambassadeur aux Pays-Bas. Ce furent autant d’occasions privilégiées de m’ouvrir à d’autres cultures et manières de penser.

J’ai commencé ma carrière à un moment de grand développement du droit international. La fin de la division du monde en deux blocs rendait possible et nécessaire l’élaboration de nombreux traités multilatéraux et bilatéraux. J’ai eu la chance de participer à la négociation de plusieurs, par exemple dans les domaines du contrôle des armements, de la lutte contre le terrorisme, du droit de la mer, de la justice pénale internationale.

L’expérience la plus marquante a sans doute été ma participation aux négociations sur le Statut de la Cour pénale internationale à partir de 1997. Une telle institution pouvait paraitre utopique à l’origine. Son élaboration fut une extraordinaire aventure collective qui a imposé la recherche de solutions originales, notamment pour concilier des traditions juridiques différentes. Travailler au sein du comité de rédaction de la Conférence de Rome sous la présidence du grand juriste égyptien Cheriff Bassiouni fut en particulier une expérience unique.

La participation à de très nombreuses procédures contentieuses, devant la Cour internationale de Justice, la Cour européenne des droits de l’Homme, la Cour de Justice de l’Union européenne, des tribunaux d’arbitrage, le tribunal international du droit de la mer, m’aura donné la possibilité d’exercer la fonction d’avocat de mon pays mais aussi de nouer avec les juges des relations étroites. Celles-ci m’ont permis de mesurer les exigences de leurs fonctions et les conditions du bon fonctionnement des juridictions.

À la Haye depuis deux ans, je poursuis mon engagement au service du droit international, tant en apparaissant devant la Cour internationale de Justice et en suivant de près son activité, mais aussi en ayant préparé et présidé une partie des travaux du troisième congrès des membres de la Cour permanente d’arbitrage, en coopérant étroitement avec la Cour pénale internationale, notamment dans le cadre de l’Assemblée des États parties, en apportant un soutien constant à l’Académie du droit international et à d’autres institutions juridiques internationales (Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux, chambres spécialisées pour le Kosovo, HCCH – Conférence de La Haye de droit international privé, Eurojust…).

Être ambassadeur à la Haye, capitale du droit international, offre le privilège de participer quotidiennement à une communauté juridique et diplomatique d’une exceptionnelle qualité intellectuelle et humaine. Je rends hommage à ce titre à ses membres et aux autorités néerlandaises pour leur engagement inestimable.

Je suis très honoré d’avoir été choisi comme candidat aux prochaines élections de juges à la Cour internationale de Justice par le Groupe français de la Cour permanente d’arbitrage, présidé par le Juge Ronny Abraham, et après consultations de Cours suprêmes, Universités et Sciétés savantes en France. 

Le droit international fait face à des défis considérables mais il revêt, en particulier grâce à la Cour internationale de Justice, une importance croissante pour l’unité et la survie de la communauté humaine. Servir ce droit, en particulier à la Haye, est l’honneur de ma vie.

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